Ah, je vous vois d’ici… Vous pestez régulièrement contre ces jeunes qui ne savent plus écrire…La faute aux SMS ? Aux réseaux sociaux ? Aux hashtags ?
Le langage digital est bien différent – orthographiquement ou grammaticalement – du langage parlé ou écrit « correct », mais à quel point ?
Est-ce qu’on parle de la même manière sur WhatsApp que sur Twitter ou sur MSN (ah je vous ai vu, vous avez souri, vous vous rappelez avec nostalgie de toutes ces conversations MSN…) ?
Orthographe, typographie, syntaxe et lexique
Une doctorante hollandaise a récemment décidé de s’atteler à la lourde tâche d’étudier le langage digital des jeunes hollandais de 12 à 23 ans.
Pour ça, elle a décortiqué plus de 400 000 communications digitales, de 4 sources différentes : SMS, Messageries instantanées (en faisant la différence entre MSN et WhatsApp), et microblogging (= Twitter). Les utilisateurs ont été divisés en 2 groupes : les ados (12 – 17 ans) et les jeunes adultes (17 – 23 ans).
Partant du principe que ces 4 moyens de communication ont des caractéristiques différentes – certains limitent la longueur des messages, certains sont privés et d’autres non, les messages peuvent être adressés à une seule personne, à un groupe, ou à tous les utilisateurs du réseau, etc. – elle s’est interrogée sur le langage utilisé par les jeunes sur ces plateformes. Parle-t-on pareil sur toute la planète #RéseauSocial ?
Son étude s’est appuyée sur 4 dimensions :
- L’orthographe : fautes et « textismes »
- La typographie : insertion de symboles ou d’émoticones
- La syntaxe : omissions et construction de phrases
- Le lexique : interjections et mots empruntés
Pourquoi un langage particulier ?
Tous ces types de communication (un petit peu moins pour les SMS, même si vous pouvez aujourd’hui les taper tranquillement sur votre ordinateur…) rentrent dans la catégorie CMO (Communication Mediatisée par Ordinateur – CMC en anglais).
Avec l’avènement des outils de communication digitale, et l’âge toujours décroissant de leurs utilisateurs, est apparue la notion de langage CMO. En France, nous les « vieux » de plus de 30 ans, on appelle ça le langage texto, mais c’est bien plus que ça en réalité !
Le langage CMO est une variante de langage, utilisée par les plus jeunes pour communiquer de manière informelle via les nouveaux plateformes, et qui dévie du langage standard tant au niveau de l’orthographe que de la grammaire ou de la ponctuation (définition quasi-officielle !).
Mais pourquoi ?? Pourquoi ne pas écrire normalement?
Rappelez vous avant… Oui, avant, avec votre Nokia 3310 (le solide, incassable, indéboulonnable et indémodable 3310 !), quand vous envoyiez un texto, vous étiez limité à 160 caractères. Après, fallait faire un autre message, et c’était chiant…
D’après notre chercheuse, c’est l’une des 4 raisons qui expliquent ce langage un peu particulier ! Fallait que ça tienne dans 160 caractères, alors on a un peu « comprimé » nos mots ! Aujourd’hui, c’est transparent, puisque votre smartphone met les messages bout à bout, mais si vous regardez sur votre facture, 160 caractère = 1 message, même aujourd’hui !
Quand on envoie un texto, il faut être rapide et efficace : le rythme devient prioritaire sur l’exactitude… Raison #2.
La troisième raison, c’est que dans ce genre de média, on utilise de l’écriture phonétique, pour que ce langage écrit se rapproche au maximum du langage « de tous les jours ». On y gagne en expressivité.
Et enfin, la dernière raison, et pas des moindres, c’est qu’en utilisant un langage digital « personnalisé », les jeunes se construisent une personnalité et une identité sociale – ils utilisent les mots comme une marque d’appartenance.
Et finalement, ce langage digital dépend surtout de l’âge des utilisateurs, et du média utilisé – on ne parle pas « Twitter » comme on parle « Whatsapp » !
Et notre chercheuse n’a pas regardé Snapchat, mais là, on aurait sûrement encore une autre langue !
Donc on devrait arrêter de ne parler que de langage texto, mais plutôt parler aussi de langage Twitter, langage WhatsApp ou langage MSN ! Finalement, on a beau pester contre, le langage digital a une énorme variabilité! OK, notre chercheuse n’a travaillé que sur les jeunes hollandais, mais vu les Snaps des moins de 20 ans que je vois passer, je me dis que c’est sans aucun doute pareil chez nous !