Mais c’est vrai ça, comment elle est financée la science d’abord?
Principalement par des dotations budgétaires de l’État (et comme ce sont vos impôts qui remplissent en partie les caisses de l’État, vous êtes vous-mêmes indirectement les principaux financeurs de la recherche en France !). En 2017, la MIRES (la Mission Interministérielle Recherche et Enseignement Supérieur) a mobilisé 13,5 Milliards d’euros pour la recherche, comptant pour près de 65% des ressources dont dispose la recherche publique française. Pour le reste, 22% proviennent de ressources contractuelles (contrats ou appels à projets par exemple, dont 30% sont aussi financés par des organismes public), et 12% proviennent de redevances sur la propriété intellectuelle (brevets déposés par exemple), de dons, ou de prestations de service effectuées. Les entreprises participent également, à hauteur de 900 000€ annuels (pour en savoir plus sur la recherche française, lisez donc ce rapport)
Et donc où est le problème ?
Le problème est qu’en réalité, malgré des sommes qui peuvent vous sembler assez astronomiques, toutes les équipes de recherche n’arrivent pas à obtenir les budgets nécessaires au financement de leurs projets. Et pour les obtenir, les chercheurs passent un temps fou à rédiger des dossiers de réponses aux appels à projets, avec l’espoir de faire partie du maigre pourcentage de projets choisis pour être financés (là, on parle des fameuses ressources contractuelles mentionnées plus haut).
Un temps fou, mais genre fou comment ?
Et bien c’est justement ce que s’est demandé une équipe de chercheurs américains des Universités de Washington et de North Carolina State : quelle valeur donner au temps passé à écrire des projets, et qui n’est forcément pas passé à « faire de la recherche » ?
Parce qu’aux Etats-Unis, même si les chiffres ne sont pas tout à fait les mêmes, les chercheurs sont à peu près dans le même bateau que chez nous #FindTheDollar…
Science perdue vs. Science financée
Et pour évaluer tout ça, bien entendu, un peu de maths. Et oui… Les mathématiques sont partout !
Ils ont utilisé des modèles mathématiques basés sur la Théorie de la Rivalité (Contest Theory), qui permet d’illustrer les investissements réalisés par des compétiteurs en vue d’obtenir un prix. Ici les compétiteurs sont des chercheurs, les investissements sont réalisés en temps passé à rédiger des projets, et les prix en jeu sont des dotations financières.
Dans les Universités américaines, les chercheurs consacrent en moyenne 8% de leur temps à la rédaction de dossiers d’appel à projet (et ça peut monter à 50% pour les médecins chercheurs !). Les auteurs considèrent donc qu’en termes de gain scientifique, ce temps est du temps « perdu » pour la science.
Avec leur modèle, ils mettent donc en avant que le temps perdu à rédiger des dossiers de demande de financement équivaut à une perte scientifique dont la valeur serait quasiment égale à celle de la science que les chercheurs cherchent à faire financer !
C’est le chat qui se mord la queue…
Surtout quand ton dossier n’est pas choisi pour être financé…
Alors, comment améliorer le système ?
Bon, on est d’accord, on aurait qu’à dire qu’on finance tous les projets, et multiplier par 40 les dotations financières et le problème serait réglé, mais on peut pas…
Du coup, nos 2 auteurs suggèrent une autre solution de facilité : la loterie !
Hé oui…
Pour eux, il vaudrait peut-être mieux choisir aléatoirement les projets qui sont financés, éliminant ainsi le besoin de rédiger des dossiers complexes et chronophages, et permettant donc aux chercheurs de déposer leur dossier dans la soufflerie du loto sans perte d’un temps précieux qui pourrait être alors consacré à des actions de recherche concrètes !
Ils sont quand même bien conscients que ça ne serait pas simple…
Ils proposent même d’autres alternatives : pourquoi ne pas allouer des fonds sur la base de la science déjà réalisée, plutôt que sur des projets futurs et parfois hypothétiques ? Forcément, les gros labos riches qui peuvent auto-financer de la super science, seraient financés plus souvent dans ce cas là, et deviendraient encore plus riches… Merde, notre chat se mord encore la queue !
Bref, tout ça pour dire surtout que le système de financement de la recherche par le biais d’appel à projets est complexe, et finalement tellement chronophage qu’il empiète largement sur le temps qui devrait être dédié à la recherche, surtout lorsque le nombre de projets pouvant être financés est bien inférieur au nombre de projets qui le méritent… Du coup, ce système coûte à la Recherche plus que ce qu’il ne lui rapporte…
« 100% des gagnants ont tenté leur chance » ?