Au cours de la dernière décennie, les Etats-Unis ont connu une importante vague de violences nées lors de manifestations.
Et si on pouvait prévoir ce type de violences ? Et si on pouvait adapter la présence policière ou la sécurité lors de ces évènements afin de limiter les dégâts (humains comme matériels) ?
Des psychologues qui travaillent avec des matheux ?
Hé oui, visiblement, ça arrive !
Pour pouvoir faire des prédictions, il fallait bien jouer avec des chiffres non ? Mais pour savoir ce qu’il était important de prendre en compte, il fallait bien quelques psychologues ! Et nos psychologues ont basé leur théorie sur la moralisation : l’enjeu de la manifestation est-il ou non une question d’ordre moral ? En d’autre termes : la cause est-elle moralement juste ?
Voilà donc montée une équipe de chercheurs, entre la Californie, l’Illinois et New York !
Pour tenter de mieux comprendre ces épisodes violents et tenter de les prédire, ils ont décidé d’utiliser l’un des outils les plus puissants de notre génération : non, pas le supercalculateur d’Oak Ridge, mais bien les réseaux sociaux !
Oui mais… si c’est sur les réseaux sociaux, c’est déjà trop tard non ?
Vrai !
C’est bien pour ça que l’équipe de chercheurs a tenté d’identifier s’il était possible de discerner des signes avant-coureurs, ou des tendances qui permettraient d’alerter sur le potentiel de violence d’une manifestation à venir.
Pour mettre au point leur théorie, les chercheurs ont collecté les tweets relatifs aux violences de Baltimore, qui ont eu lieu pendant plusieurs semaines en 2015 dans l’état du Maryland, suite à la mort de Freddie Gray. A l’aide de 4800 tweets codés à la main, ils ont crée un réseau neuronal capable d’étiqueter un tweet de deux manières différentes : « moral » et « non-moral », afin de « prendre la température » de l’opinion publique : avons-nous affaire à une question de moralité ? Les manifestants considèrent-ils qu’ils prennent position pour une cause moralement juste, ou viennent-ils simplement démontrer leur accord ou leur désaccord avec une idée ?
Le programme ainsi créé a pu labelliser plus de 18 millions de tweets se rapportant à des manifestations ayant eu lieu en rapport avec l’affaire Freddie Gray. A l’aide de ces résultats, l’équipe a modélisé, lors de 3 expérimentations différentes, les liens entre tweets « de moralité » liés à chaque manifestation et violences et nombre d’arrestations lors de chaque événement.
Alors, qu’est-ce que ça donne ?
Conscients qu’il existe un éventail de facteurs qui pourraient favoriser la violence de certaines manifestations, les chercheurs ont démontré qu’il existait bel et bien un lien entre la moralisation du sujet des manifestations et le risque de violences lors de l’événement. Ils vont même jusqu’à dire que la fréquence horaire de tweets invoquant la moralité de la question en jeu pouvait permettre de prédire le nombre d’arrestations dues à la violence lors de la manifestation!
En gros, on serait plus enclins à pardonner la violence lors d’une manifestation lorsque l’on considère que la cause est moralement juste. Cette acceptation est modérée par le niveau de convergence face à la morale ressenti par les manifestants : « Je trouve la cause juste et je sais qu’autour de moi, tout le monde la trouve juste, donc la violence pour défendre cette cause est justifiée »
Ces deux conditions (moralité, et sentiment de convergence de la moralité) restent néanmoins des pré-requis aux situations violentes, et non des causes. Ces résultats pourraient permettre aux pouvoir publics d’identifier les évènements « à risque », et ainsi de prévoir une sécurisation adaptée, et ainsi de mieux répartir les ressources visant à sécuriser les évènements !
Reste que – on parle de psychologie souvenez-vous ! – la moralité « perçue » ou la convergence de moralité « ressentie » par les internautes ou par les manifestants ne reflète pas toujours la réalité dans les faits… Attention aux effets amplificateurs des réseaux sociaux !
La conclusion de nos chercheurs ? Attention donc aux conséquences potentiellement dangereuses (et violentes !) d’une société utopique moralement uniforme…